Plusieurs provinces au Canada et la plupart des états aux États-Unis, ont adoptés une loi encadrant le franchisage. Il s’agit de lois à saveur «protection du consommateur» combinant également des éléments ressemblant aux lois encadrant l’appel public à l’épargne. Dans ces provinces et états, les franchiseurs doivent déclarer une série d’éléments qui, s’ils n’étaient pas contraints de les dévoiler, ne le feraient pas. Par exemple, le dévoilement du passé de chacun des administrateurs, combien de points de vente ont fermé et pourquoi, etc., etc. En plus, il y a le droit pour les franchisés de «changer d’idée» dans un cours délai après la signature des documents. Si un franchisé change d’idée, il peut annuler le contrat de franchise et se faire rembourser son investissement. Rien de ça au Québec!
Au Québec, ce sont les lois générales qui s’appliquent, donc notre bon vieux Code civil et le contrat de franchise. Vote première lecture d’un contrat de franchise sera un choc assuré! Vous serez convaincu que le contrat ne protège qu’une partie : le franchiseur. C’est d’ailleurs très près de la réalité.
Sachez que d’une part, si vous ne faites pas examiner votre contrat de franchise par un avocat connaissant bien le droit de la franchise ET cette industrie, comme l’auteur de ses lignes, vous serez l’artisan de vote propre malheur. Contrairement à la croyance populaire, on peut négocier certains éléments d’un contrat de franchise. Il y a plusieurs situations énumérées dans un contrat de franchise non négocié qui ne font pas de sens. Mais si vous ne protestez pas, la clause «pas d’allure» y sera et vous serez tenu de la respecter.
D’autre part, même si nous n’avons pas de loi qui encadre l’industrie de la franchise au Québec, de plus en plus les tribunaux condamnent les franchiseurs au paiement de dommages et intérêts lorsqu’ils agissent contrairement à leurs «obligations implicites».
L’article 1434 du Code civil stipule que :
«Le contrat valablement formé oblige ceux qui l’ont conclu non seulement pour ce qu’ils y ont exprimé, mais aussi pour tout ce qui en découle d’après sa nature et suivant les usages, l’équité ou la loi.»
C’est en vertu de cet article que les tribunaux saisis de poursuites par des franchisés contre leur franchiseur vérifient si leur franchiseur s’est acquitté de toutes ses obligations : les obligations prévues au contrat de franchise et les obligations implicites qui découlent d’une relation franchiseur-franchisé.
Voici quelques exemples.
C’est ainsi qu’en juin 2012, la Cour supérieure a condamné Dunkin’Donuts à payer 16 407 143$ (oui, seize millions de dollars) à un groupe de franchisés au Québec pour ne pas avoir protégé la marque de commerce.
Une autre décision intéressante, confirmée par la Cour d’appel du Québec : DamierChrysler Canada c. Automobile Cordiale Ltée, où le tribunal en est arrivé à la conclusion que le fabriquant automobile avait commis une faute en permettant à des concessionnaires automobiles de concurrencer l’un de ses franchisés.
Dans le même sens des obligations implicites, la Cour d’appel du Québec, en 1997, a conclu que Provigo Distribution Inc. avait l’obligation de ne pas concurrencer ses franchisés. Jugement rendu pour 3 500 000$.
Le temps où le franchiseur était maître et roi et les franchisés étaient ses sujets est révolu. Le franchiseur moderne voit ses franchisés comme des partenaires, pas des serviteurs. Dans ce cadre de relations, les franchiseur-abuseurs se font de plus en plus rares. Ainsi, les abus des franchiseurs sont moins fréquents qu’auparavant, pour deux raisons. La première est justement la relation de partenariat. La seconde est la jurisprudence développée au fil des ans et les condamnations à ses dommages et intérêts substantiels..
Pour répondre à la question de départ, OUI, les franchisés sont bien protégés quand-même. Mais ils doivent être plus proactifs que les franchisés qui bénéficient d’une loi-cadre. La plupart des informations pertinentes sont disponibles, mais il faut les recueillir, alors que la circulaire d’information, obligatoire dans les états ayant une loi-cadre, les collige. Petit truc : si votre franchiseur est actif dans d’autres provinces, vous pourrez obtenir la circulaire d’information.
Pour ce qui est des obligations qui découlent d’après la nature et suivant les usages, l’équité ou la loi, il faut vérifier les décisions rendues par les tribunaux. Le point de départ est le gros bon sens. Si on pense que le franchiseur a eu un comportement abusif, il faut l’analyser à la lumière du contrat de franchise, d’une part, et d’autre part, à la lumière de la jurisprudence. Et s’il n’y a pas de jurisprudence sur le type d’abus que le franchiseur a fait, peut-être serez-vous le premier à faire condamner un franchiseur pour cette raison.
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